Révisé le 4 août 2022
Un manquement à ses obligations en matière de santé et sécurité au travail (SST) peut entraîner des conséquences de différentes natures : administratives, pénales, civiles et criminelles.
Sanctions administratives
Infractions pénales
Poursuites civiles
Infractions criminelles
Sanctions administratives
La sanction dite administrative vise la correction d’un écart par rapport à une norme légale ou réglementaire. Ce processus administratif s’inscrit dans un objectif de prévention des lésions professionnelles (Drummondville [Ville de] et Regroupement des pompières et pompiers de Drummondville, 2011 QCCLP 7941).
Dans le cadre d’un tel processus, l’inspecteur agit comme représentant de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et s’assure du respect des lois et des règlements. Différentes situations peuvent amener un inspecteur à intervenir sur un lieu de travail : le dépôt d’une plainte par un travailleur ou un citoyen, l’exercice d’un droit de refus de travail, à la suite d’un accident de travail ou lors d’une visite de contrôle. Pour en apprendre davantage sur quoi faire lors d’une telle intervention, consulter l’article Comment gérer efficacement l’intervention d’un inspecteur de la CNESST? (CRHA).
Pouvoirs et obligations
L’inspecteur bénéficie de plusieurs pouvoirs pour accomplir les tâches qui lui sont dévolues, dont la possibilité d’avoir accès aux livres, registres et dossiers en SST ou de prendre des photographies (art. 179 et 180, Loi sur la santé et la sécurité du travail [LSST]). En contrepartie, l’inspecteur doit respecter certaines obligations dont celle de communiquer le résultat de son enquête ou de son inspection à l’employeur, à l’association accréditée, aux différents intervenants en SST du milieu et au directeur de santé publique et de transmettre, le cas échéant, une copie de l’avis de correction (art. 183, LSST). Il ne peut pénétrer dans un lieu où s’exécute du télétravail lorsque celui-ci est situé dans une maison d’habitation, sans le consentement du travailleur ou une autorisation de la cour (art. 179.1 LSST).
Par ailleurs, il est interdit à toute personne d’entraver le travail d’un inspecteur (art. 185, LSST). Le défaut de respecter cette obligation expose le contrevenant à une sanction pénale et à une amende.
Ainsi, il est fortement recommandé que chaque représentant de l’organisation ait une bonne connaissance des pouvoirs et des obligations que détient un inspecteur dans le cadre de ses fonctions.
Sanctions administratives possibles
Un inspecteur qui constate qu’un employeur fait défaut de se conformer à la Loi ou aux règlements peut prendre différentes mesures. Parmi ces mesures se trouve l’émission d’un avis de correction, lequel enjoint à une personne de se conformer à la Loi ou aux règlements et fixe un délai à l’intérieur duquel cette personne doit apporter les corrections requises (art. 182, LSST). L’inspecteur laisse à l’employeur le choix des moyens et des mesures à prendre pour agir en toute conformité (art. 184, LSST).
En outre, l’inspecteur peut suspendre des travaux ou ordonner la fermeture d’un lieu s’il juge qu’il y a un danger pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs (art. 186, 188, LSST). Il peut aussi prendre diverses ordonnances notamment quant à la production, la fabrication et la vente d’un produit (art. 190, LSST).
La décision de l’inspecteur est exécutoire, mais peut faire l’objet d’une révision administrative auprès de la CNESST et, au besoin, d’une contestation devant le Tribunal administratif du travail (TAT) (art. 191, 193, LSST).
Infractions pénales
Deux articles de la LSST sont générateurs d’infraction, soit les articles 236 et 237. La CNESST intentera une poursuite sur la base de l’un ou l’autre de ces articles.
L’article 236 prévoit que :
« Quiconque contrevient à la présente loi ou aux règlements ou refuse de se conformer à une décision ou à un ordre rendu en vertu de la présente loi ou des règlements ou incite une personne à ne pas s’y conformer commet une infraction et est passible […] »
Cette infraction nécessite d’être jumelée avec un autre article de loi, soit fréquemment les articles 49 et 51 LSST, ou d’un règlement comme le Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST) ou le Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC).
L’article 237 stipule, quant à lui, que :
« Quiconque, par action ou par omission, agit de manière à compromettre directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un travailleur commet une infraction et est passible : […] »
Cette infraction est autonome et est, de manière générale, considérée comme plus grave puisque la CNESST doit prouver que la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur a été compromise.
Infraction de responsabilité stricte
Les articles 236 et 237 créent des infractions de responsabilité stricte ce qui signifie que la CNESST n’a qu’à prouver les éléments essentiels de l’infraction reprochée, soit le fait de contrevenir à la loi ou à un règlement, de refuser de se conformer à une décision, d’agir ou d’omettre d’agir de manière à compromettre la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur. La CNESST n’a pas à prouver un état d’esprit coupable ou une quelconque intention.
Conséquences
Une déclaration de culpabilité est généralement synonyme d’amende. L’organisation s’expose à une première amende qui varie de 1 500 $ à 60 000 $ et jusqu’à 300 000 $ en cas de récidive. Une personne physique, quant à elle, est sujette à recevoir une amende variant de 600 $ à 3 000 $ pour une première infraction et jusqu’à 12 000 $ en cas de récidive. Ces montants sont indexés chaque année.
Être reconnu coupable implique également la possibilité pour la CNESST de requérir une ordonnance afin d’obliger l’accusé à se conformer à l’obligation qu’il a initialement fait défaut de respecter.
Autres ressources abordant les infractions réglementaires
Poursuites civiles
Le régime québécois de santé et sécurité du travail en est un de « no fault » ce qui signifie qu’un travailleur qui subit une lésion professionnelle est d’office indemnisé par la CNESST, et ce, peu importe qui est à l’origine de la faute commise. En contrepartie, un travailleur ne peut exercer de recours contre son employeur ni contre son coéquipier ou le mandataire de son employeur (art. 438, 442, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [LATMP]).
Une exception à ce principe existe. Le travailleur lésé peut poursuivre au civil un employeur tiers pour recouvrer l’excédent de la perte qu’il a subie en raison de sa lésion professionnelle (art. 441, al.2, LATMP). Advenant qu’un tribunal accueille une demande en justice d’un travailleur en pareilles circonstances, l’employeur tiers sera tenu de payer une somme d’argent qui peut varier substantiellement d’une décision à une autre.
Prenons l’exemple suivant. Le travailleur d’une compagnie A qui effectue des travaux au sol sur un chantier de construction se blesse lorsqu’atteint par un outil de travail. Il s’avère qu’un employé de la compagnie B a échappé cet outil alors qu'il montait la structure du bâtiment au 3e étage. L’employé blessé pourrait ainsi poursuivre la compagnie B afin de recouvrer la différence entre ses pertes réelles et la compensation versée par la CNESST.
Ainsi, tout employeur doit garder en tête qu’il n’est pas à l’abri d’une poursuite civile. Il appert des décisions qui ont été rendues en la matière que l’employeur se doit de porter une attention particulière lorsque des travailleurs tiers réalisent leurs tâches sur un lieu de travail sous sa responsabilité.
Infractions criminelles
Est à l’origine de la Loi C-21 un tragique événement où 26 miniers sont décédés et pour lequel les cadres supérieurs furent pointés du doigt pour avoir été négligents quant à la santé et la sécurité des travailleurs. Cette loi est venue modifier le Code criminel (C.cr.) afin de faciliter les poursuites contre les organisations et ses agents qui font preuve de négligence criminelle en matière de santé et de sécurité du travail.
Sera reconnu coupable de négligence criminelle celui qui « en faisant quelque chose ou en omettant de faire quelque chose qu’il est son devoir d’accomplir montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui » (art. 219, C.cr.). Il est à noter que la mort ou une blessure corporelle doit résulter de ce comportement négligent.
Il appert de la jurisprudence que la conduite reprochée en matière de SST est, plus souvent qu’autrement, une faute d’omission.
Qui est imputable?
Cette loi n’épargne personne ni aucun niveau hiérarchique. Elle rend imputable tant les organisations via une présomption de participation à l’infraction que tout agent et tout individu qui dirige l’accomplissement d’un travail (cadre supérieur, contremaître, chef d’équipe, travailleurs, etc.).
La poursuite peut décider d’intenter des procédures criminelles tant contre l’individu lui-même que contre l’organisation.
Individu
La notion de « devoir » au sens de l’article 219 du C.cr. désigne une obligation de la Loi et renvoie tant à la législation fédérale que provinciale. À ce stade, certains articles méritent une attention particulière : les articles 49 et 51 de la LSST et l’article 217.1 du C.cr.
- Les articles 49 et 51 de la LSST imposent aux travailleurs et à l’employeur différentes obligations en matière de santé et de sécurité au travail. Pour de plus amples informations à ce sujet, nous vous invitons à consulter la page Droits et obligations.
- L’article 217.1 du C.cr. crée un devoir de supervision à l’égard de quiconque qui est responsable de travaux et l’oblige à prendre les mesures nécessaires pour protéger la sécurité d’autrui. Il est possible de constater que cette disposition est large et peut couvrir un éventail de situations.
En outre, soulignons qu’un individu peut également être reconnu coupable d’homicide involontaire en raison de sa négligence en matière de santé et sécurité. Ce fut le cas pour un propriétaire d’une compagnie qui a sciemment laissé travailler un employé dans une tranchée non étançonnée. Ce dernier a d’ailleurs écopé d’une peine de 18 mois de prison (R. c. Fournier, 2018 QCCQ 1071).
Organisation
L’article 22.1 du C.cr. repose sur la prémisse qu’une organisation est présumée participer à un crime commis par ses agents. Pour ce faire, un des agents de l’organisation doit avoir (par action ou omission) adopté une conduite négligente dans le cadre de ses attributions et le cadre supérieur doit avoir omis de faire preuve de diligence raisonnable afin d’empêcher cette conduite.
Les notions « d’agent » et de « cadre supérieur » sont définies ainsi (art. 2, C.cr.) :
- Agent : « tout administrateur, associé, employé, membre, mandataire ou entrepreneur de celle-ci. »
- Cadre supérieur : « agent jouant un rôle important dans l’élaboration des orientations de l’organisation visée ou assurant la gestion d’un important domaine d’activités de celle-ci, y compris, dans le cas d’une personne morale, l’administrateur, le premier dirigeant ou le directeur financier. »
Fardeau de preuve
Pour être reconnue coupable de négligence criminelle, une personne doit faire preuve d’une insouciance téméraire ou déréglée. Elle doit ainsi adopter un comportement qui constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’observerait la personne raisonnable dans ces circonstances.
La poursuite doit démontrer hors de tout doute raisonnable que l’accusé a non seulement commis l’infraction soit, par exemple, celle d’omettre de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité d’autrui, mais aussi qu’il l’a fait intentionnellement ou sans se soucier des conséquences.
Peines
Une organisation reconnue coupable de négligence criminelle peut se voir imposer d’importantes amendes et être dans l’obligation de dédommager la victime. Il est à noter qu’en cas d’acte criminel, il n’existe aucun plafond quant au montant de l’amende. Une entreprise fut déjà condamnée à verser plus de 2,5 millions de dollars à la suite d’une condamnation pour négligence criminelle en matière de santé et de sécurité (R. v. Detour Gold Corporation, 2017 ONCJ 954).
L’individu reconnu coupable peut également être condamné à payer une amende. Il peut aussi être condamné à une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à perpétuité. La peine la plus longue ayant été attribuée, jusqu’à aujourd’hui, est de trois ans et demi (R. v Kazenelson, 2016 ONSC 25).
Enfin, retenons que les tribunaux détiennent de vastes pouvoirs quant aux peines imposables pour ces infractions. Dans certaines circonstances, ces pouvoirs sont balisés par les facteurs énumérés à l’article 718.21 du C.cr.
Comment éviter de telles poursuites?
Dans le cadre d’une poursuite en vertu du Code criminel, la poursuite doit établir que l’accusé s’est écarté de manière marquée de la norme de diligence raisonnable. Quant à l’accusé, il voudra établir, au contraire, qu'il a agi avec diligence raisonnable. Pour de plus amples informations à ce sujet, nous vous invitons à consulter la page Diligence raisonnable.
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